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28 octobre 2009

Les petits fermiers manquent de moyens de conservation

 

Fulgence Zamble - Chaque année, Robert Assalé, 55 ans, cultivateur à Tangamourou, dans la région de Bondoukou (centre-est de la Côte d'Ivoire), réalise de bonnes productions d'ignames. De 30 tonnes en 2007, il est passé à 42 tonnes en 2008 et a presque franchi la barre des 50 tonnes cette année.

Cependant, s'il est parvenu à écouler la moitié de sa récolte de 2009 sur le marché, le reste commence à être attaqué par des parasites. Quelques tubercules sont mêmes en train de pourrir déjà. "C'est toujours cette situation qui demeure mon inquiétude. Lorsque la production tarde à sortir des champs, il y a de fortes chances que j'en perde une bonne partie", explique Assalé à IPS.

Sur un espace de 150 mètres carrés, Assalé a fait construire, aux abords de son champ, une cabane à l'aide de tronc d'arbres, le tout couvert de pailles. Après chaque récolte, sa production est ainsi stockée à cet endroit, attendant d'être écoulée sur le marché grâce aux véhicules des transporteurs privés. Le voyage d'un camion de 20 tonnes coûte entre 100.000 et 120.000 francs CFA (environ 225 à 270 dollars). fermier_ivoirien

"Notre façon de conserver est vraiment archaïque, mais nous n'avons pas le choix. Les choses sont ainsi depuis des années et j'avoue que je suis beaucoup handicapé", avoue-t-il, l'air désemparé devant la découverte de bactéries, de champignons et des anomalies (déformations et galle) sur ses ignames.

En effet, sur une somme de 3,5 millions FCFA (environ 7.865 dollars) pour la vente de  ses ignames - attendue cette année -, Assalé affirme qu'il ne pense pas gagner plus de deux millions FCFA (environ 4.494 dollars), soit un manque à gagner de 43 pour cent. "Les années se suivent et les pertes s'enchaînent. En fin de compte, je perds plus que je ne gagne", déplore-t-il. Les pertes sont dues notamment à la mauvaise qualité des ignames mal conservées avant la vente.

Au sein de la petite coopérative agricole de Tangamourou, la situation d'Assalé est quasi-identique à celle des autres membres. "Nous produisons beaucoup, mais nous tirons peu de profit de nos récoltes d'ignames. Les moyens de conservation n'existent véritablement pas. Et puis, ne nous parlez surtout pas de transformation", indique à IPS, Florent Kouadio, 50 ans, un autre planteur.

Les conditions et les moyens de conservation n'existant pas, comment peut-on parler de la transformation locale des ignames? demande-t-il. Il espère néanmoins qu'un jour son pays atteindra ce stade. En effet, à part les mets traditionnels, comme le foutou ou l'igname bouillie ou frite consommés localement, plus rien ne se fait sur place avec ce produit, affirme-t-il.

Dans certains champs, IPS a constaté des productions mises en sac, entassées à même le sol, mais pas à l'abri des rayons du soleil. Ces tubercules laissaient déjà apparaître de nouveaux bourgeons. "La chaleur est le premier ennemi de l'igname. Si elle longtemps exposée, c'est normal qu'il y ait du gâchis", souligne Kouadio.

Avec 35 tonnes d'ignames produites pour la saison en cours, Kouadio n'a pu vendre que 20 tonnes. "C'est pratiquement à bas prix que j'ai cédé ma récolte. L'acheteur m'a proposé le kilogramme à 150 FCFA (environ 0,33 dollar) et je n'ai pas hésité parce que j'avais la pression", affirme-t-il. Pourtant, le kilo d'igname était vendu entre 200 et 250 FCFA (entre 0,44 et 0,56 dollar).

Pour le reste de sa production, il garde encore un petit espoir de vendre une partie et de conserver une autre partie pour la consommation familiale. "Nous avons souvent des débouchées sur les localités frontalières du Burkina Faso en passant par la ville de Bouna (nord-est de la Côte d'Ivoire). Les prix y sont très bas, mais il faudra y aller pour éviter trop de pertes sous la main", indique Kouadio.

Ferdinand Mahan, un technicien agricole à Bondoukou, explique à IPS qu'"il n'existe encore aucune chambre froide pour la réfrigération de l'igname dans la région, comme dans de nombreuses autres régions du pays. Les cabanes traditionnelles sans traitement sont leur seul mode de conservation. Ce qui n'est pas fait pour assurer un bon avenir à ce féculent".

"Pour l'instant, les pratiques que nous enseignons à ces planteurs, c'est qu'à la récolte, ils fassent un traitement au fongicide pendant la conservation ou encore qu'ils déplacent régulièrement les ignames. Toutefois, cela à un coût et peu d'entre eux en ont les moyens", explique Mahan à IPS.

Principale zone productrice d'ignames, la région de Bondoukou produit 700.000 tonnes de ce féculent chaque année pour la Côte d'Ivoire, selon l'Agence nationale de développement rural. Ce qui fait de ce pays de l'Afrique de l'ouest, le troisième producteur d'igname en Afrique, après le Nigeria et le Ghana.

Mais, malgré un tel acquis qui soutient une autosuffisance relative de l'igname dans l'alimentation ivoirienne, on constate un réel problème de sécurité alimentaire du fait de l'indisponibilité de cette tubercule sur les marchés à une certaine période de l'année, souligne le Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricoles (FIRCA). "Cette indisponibilité est liée aux nombreuses pertes post-récolte qui s'élèvent à environ 30 à 40 pour cent de la production, à l'accès difficile aux grands centres de production, au mauvais conditionnement, aux difficultés de conservation de ces produits", révélait en août dernier Pierre Ackah, directeur exécutif du FIRCA. C'était lors de la restitution d'une étude sur l'état des lieux et de diffusion des techniques de transformation et de conservation post-récolte de l'igname et de la banane plantain en Côte d'Ivoire.

"Il faut trouver des moyens urgents et efficaces pour parer à cette difficulté de conservation des produits agricoles", souligne Lucien Tapé, un analyste basé à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. "Les pertes des producteurs sont énormes, alors de nouvelles techniques doivent être développées pour leur venir en aide".

 

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